Vin, la Chine prend de la bouteille

Billets-banque-chine-hebdo-vin-lemaire
Restrictions sur les investissements des entreprises chinoises à l’Etranger
23/08/2017
georgie-affiche-cite-vin-hebdo-chine-lemaire
Géorgie berceau de la viticulture, expo du 31 juillet au 5 novembre 17 à La Cité du Vin
25/08/2017

25 08 17 – Dans la province du Ningxia, les domaines viticoles sont désormais légion. Profitant du soutien du gouvernement et des investisseurs étrangers, les exploitants locaux misent sur la qualité pour parvenir, à terme, à exporter leur vin partout dans le monde

La Chine prend de la bouteille

D’après l’article de Raphaël Balenieri, envoyé spécial au Ningxia
http://www.liberation.fr/futurs/2017/08/18/la-chine-prend-de-la-bouteille_1590727
Photo dans les caves du domaine de Helan Quingxue © Giulia Marchi pour Libération

Chine-vin-Ningxia-lemaire-hebdo

Le domaine viticole Helan Qingxue dans la province du Ningxia

L’air est frais et humide comme dans une grotte obscure. Un doux parfum de raisin et d’alcool chatouille les narines. Il émane de la dizaine de cuves de métal, de hauts cylindres brillants touchant presque le plafond. Des gouttelettes d’eau perlent de haut en bas sur toute leur longueur, signe que la fermentation, à l’intérieur, va bon train.

Nous sommes sur le domaine viticole Helan Qingxue, au centre de la Chine, dans la province du Ningxia. Zhang Jing, la directrice, fait office de guide, en cette journée d’été. «Si j’étais riche, j’achèterais davantage de cuves en bois comme celle-ci ! Il n’y a rien de mieux pour le vin, mais c’est beaucoup plus cher que les cuves en métal», rigole-t-elle en caressant l’unique barrique de chêne de la vaste pièce. «C’est comme ça d’ailleurs qu’on voit si un viticulteur a réussi dans la vie ou pas. Il suffit de compter le nombre de fûts en bois !»

Zhang Jing

En réalité, cette Chinoise de 40 ans a déjà accumulé une petite fortune grâce au vin. Enfant, elle se voyait plutôt présenter les informations à la télévision. «J’ai grandi dans une famille très traditionnelle. Mes parents étaient fonctionnaires et il n’y avait jamais de vin à table », se souvient-elle. Aujourd’hui, Zhang Jing conduit une Mercedes-Benz, son mari travaille dans la finance et son exploitation viticole, fondée en 2005 dans la région autonome du Ningxia, est l’une des plus renommées du pays. La viticultrice a de quoi être fière, car si cette minuscule province à 1 200 km de Pékin est maintenant sur la carte mondiale des vins, c’est grâce à elle.

Son Chardonnay bien frais

En 2011, à Londres, un de ses cabernets avait reçu la plus haute récompense, parmi 12 000 autres bouteilles en compétition, lors des Decanter World Wine Awards, le plus grand concours mondial dans ce domaine. Ce prestigieux jury n’avait jusqu’alors jamais accordé son trophée international à un vin chinois. Depuis, tout a changé pour Zhang Jing. Désormais, ses vins sont même servis «à la cantine du gouvernement central» de Pékin. « Une fois, j’ai aussi reçu deux pilotes de la compagnie Emirates. Ils arrivaient de Dubaï, ils ont adoré mon vin », dit-elle en nous servant trois de ses meilleurs crus : un chardonnay bien frais, un rosé, ainsi qu’un cabernet, d’une belle couleur pourpre, riche et puissant.

La Napa Valley chinoise

Zhang Jing n’est pas un cas isolé dans cette région que certains appellent déjà la Napa Valley chinoise. En quelques années, le Ningxia a changé la réputation des vins made in China. Après la victoire de Zhang Jing à Londres, les domaines viticoles ont poussé comme des champignons tout autour de Yinchuan, la capitale provinciale, une ville de 2 millions d’habitants. Il y aurait désormais 200 exploitations, surtout le long de la nationale G110, surnommée… la route des châteaux. Les géants chinois comme Cofco et Changyu s’y sont installés. De même que Pernod Ricard et Moët & Chandon.

La propriété de LVMH

La propriété de LVMH, le roi du champagne, emploie ici une quarantaine de personnes sur 6 300 mètres carrés. Inauguré en 2013, le domaine n’élabore que du vin pétillant. « Nous produisons entre 400 000 et 500 000 bouteilles par an », affirme Su Long, 36 ans, le directeur. «Pour les Chinois, le vin est forcément rouge. Nous sommes donc en train d’élargir le marché du vin pétillant, en ciblant en priorité les “millennials” du pays (les 18-35 ans). Celle qui ne boit pas l’alcool de riz traditionnel à 50 degrés. Imaginez un peu, ils vont être 400 millions en Chine dans les prochaines années !» Pays de la bière et du thé, la Chine est aujourd’hui le 4ème consommateur mondial de vin, derrière la France, les Etats-Unis et l’Italie. «Les Chinois boivent en moyenne 1,5 litre de vin par an, contre 30 à 40 pour les Français», rappelle Su Long. Le géant asiatique est également le 7ème producteur mondial. Dans l’est du pays, les provinces du Hebei et du Shandong, ainsi que le Xinjiang, à l’extrême ouest, cultivent du raisin en masse et jouent la quantité.

Au Ningxia, les viticulteurs ont misé sur la qualité

De nombreux domaines, comme Helan Qingxue ou Silver Heights, ne dépassent pas les 60 000 bouteilles par an. Il est vrai que la région offre des conditions plutôt favorables pour la production de très bons vins. Le fort taux d’ensoleillement permet aux grappes de mûrir. Le sol, caillouteux et riche en minéraux, est adapté à la culture de la vigne. Les réserves en eau, nécessaires pour l’irrigation, sont suffisantes, du fait de la présence du fleuve Jaune. L’aridité, enfin, nuit aux maladies. « Ici, nous avons seulement 200 millimètres de précipitations annuelles. Nous ne traitons nos vignes que quatre fois par an, alors qu’au Shandong, les producteurs doivent pulvériser des pesticides trente fois par an », raconte Su Long.

Le potentiel viticole

Mais les hivers continentaux du Ningxia sont rigoureux. Le thermomètre dans la région est déjà tombé à – 27°. Chaque année, les pieds des vignes doivent donc être enterrés pendant trois mois. « L’opération renchérit les coûts d’exploitation de 30 % », explique Zhang Jing. Malgré cette précaution, 10 % des pieds meurent, cassés lors du passage des charrues qui les déterrent au printemps. « Les vignes du Ningxia ont une durée de vie de 15 ans, contre 45 à 50 ans en France , explique Thierry Courtade, un Français de 47 ans qui gère sur place le domaine Silver Heights, l’un des plus réputés. Au Ningxia, on n’aura jamais de vignes aussi vieilles

La filière se développe petit à petit

Le gouvernement local a attendu longtemps avant de saisir le potentiel viticole de la province. Le 1er domaine n’est apparu qu’en 1985. La filière se développe petit à petit. En 1998, les autorités lui accordent un statut spécial. « A cette époque, il n’y avait qu’une dizaine d’exploitations, toutes très grandes», se souvient Zhang Jing. Puis, en 2003, le gouvernement a fait du versant est des montagnes Helan une zone protégée : 60 000 hectares sont alors entièrement dédiés aux vignes. Les viticulteurs de toute la Chine commencent à affluer, attirés par les généreuses subventions mises en place par la région.

Des experts gouvernementaux

En 2011, la victoire de Helan Qingxue à Londres envoie un signal. Les autorités redoublent d’efforts et les investisseurs étrangers, comme Moët & Chandon, mettent un pied au Ningxia. « Il n’y avait rien auparavant. Les autorités ont amené l’électricité, construit les routes. La Chine a voulu avoir son Bordelais, sa Napa Valley, et elle l’a fait », résume Thierry Courtade, de Silver Heights. Ses vignes s’étendent sur 50 hectares, offerts gratuitement pour 10 ans par la province. Chaque année, une compétition régionale organisée par le gouvernement permet même de remporter jusqu’à 65 000 euros. «Et personne ne peut tricher, car ce sont des experts gouvernementaux qui viennent eux-mêmes chez vous prélever les échantillons », explique Zhang Jing.

Mettre le prix

Malgré ces coups de pouce, tous les producteurs du Ningxia ne font pas de l’excellent vin. Certains, par exemple, ne remplissent leurs cuves qu’à moitié, une hérésie dans le métier. « Du coup, lors de la fermentation, le vin devient du vinaigre », ironise Thierry Courtade. D’autres pressent les grappes pas mûres, ou se dispersent en multipliant les vins. « Certains domaines ont 20 étiquettes. Si on ne voit pas la différence entre le 1er vin, théoriquement le meilleur, et le dernier, c’est qu’il y a un problème », reprend ce Français originaire de Saint-Estèphe, au nord de Bordeaux.

Car pour produire un excellent vin, au Ningxia, il faut y mettre le prix. Thierry Courtade, par exemple, importe de France ses barriques en chêne. Les douanes chinoises prélevant 40 % du prix, chaque fût lui coûte 1 200 euros pièce, contre 800 euros en France. Chez Helan Qingxue, la machine servant à boucher les bouteilles vient d’Italie et vaut presque 130 000 euros. « C’est vraiment un appareil de luxe pour un petit domaine comme le nôtre », remarque Zhang Jing en montrant la fameuse bête.

Côté distribution

Seuls les meilleurs vins du Ningxia auront leur place dans les grands hôtels et restaurants de Pékin ou de Shanghai. L’essentiel de la production locale, en effet, est destiné au marché domestique. Les vins du Ningxia sont encore onéreux par rapport à la concurrence internationale et s’exportent difficilement, pour le moment. Par ailleurs, les vins chinois ont encore mauvaise presse, le gros de la production nationale étant dominé par des géants comme Great Wall ou Changyu, peu soucieux de la qualité. « C’est vraiment mon défi numéro 1. Les étrangers vivant en Chine connaissent les vins du Ningxia, mais pour convaincre tous les autres, c’est une autre affaire », grommelle Zhang Jing.

Malgré cela, celle-ci a réussi à percer. Ses vins sont distribués aux Etats-Unis, à Singapour, en Australie, ainsi qu’en Allemagne. « Et nous sommes actuellement en négociation avec le plus gros importateur du Royaume-Uni », reprend-t-elle. Bientôt, les Britanniques pourront siroter un cabernet ou un chardonnay du Ningxia tout en contemplant les eaux grises de la Tamise. Cheers !

le Vin, le Rouge, la Chine

Les 146 vignobles français achetés par les Chinois sont décrits : 138 Châteaux de Bordeaux, 6 vignobles en France, 2 Maisons de cognac.
Pourquoi ces vignobles sont-ils en vente ? Pourquoi les Chinois les achètent-ils ?
250 pages et 350 photos de Laurence Lemaire, préfacées par Alain Juppé et Alain Rousset.
Version numérique en PDF mise à jour au quotidien, et sa version papier en librairie mise à jour tous les 3 mois sont en vente sur le site www.levinlerougelachine.com

livre-lemaire-vin-chine

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

error: Contenu protégé