Jack Ma veut faire carrière dans les vins de Bordeaux

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28 01 24 – Le plan d’investissement du milliardaire chinois dans son vignoble bordelais touche à sa fin, les premières commercialisations devant soutenir les fortes ambitions. Par Alexandre Abellan / Vitisphère le 28 janvier 2024. Photos © Château de Sours

Jack Ma veut faire carrière dans les vins de Bordeaux

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La caverne d’Alibaba ? Les carrières du château de Sours ont été réaménagés fin 2023 pour accueillir un évènement privé de Jack Ma.

Aussi dingue qu’à contrecourant, le projet fou du milliardaire chinois Jack Ma reste sur ses rails dans le vignoble bordelais. Depuis son rachat en 2015 par le créateur du site de vente en ligne Alibaba (leader du e-commerce en Chine), le château de Sours poursuit ses ambitieux investissements dans l’Entre-deux-Mers (à Saint-Quentin-de-Baron), sans avoir été plombé ni par la crise covid, ni par l’apparente disgrâce de Jack Ma à Pékin (avec une disparition publique de la fin 2020 au début 2021). Après une restructuration viticole d’ampleur orientée vers l’agroécologie depuis 2018, le domaine en AOC Bordeaux et Crémant de Bordeaux s’est doté d’un gigantesque chai de 7 700 mètres carrés et se dote de marques devant apporter de la rentabilité à ce projet titanesque. Ce qui ne s’annonce pas être une mince affaire.

« Dans la logique économique actuelle, les vins rouges ne sont pas à la mode et ceux de Bordeaux non plus. Il serait plus facile d’être en Bourgogne qu’en Entre-deux-Mers » philosophe Sébastien Jacquey, le directeur général du château de Sours, qui revendique cet ancrage bordelais : le domaine est revenu à l’AOC en 2021 (en Bordeaux pour les vins tranquilles précédemment en vins de France et en crémants de Bordeaux après des effervescents produits selon la méthode Charmat). « Pour notre propriétaire chinois, Vin de France ou AOC Entre-deux-Mers ne veulent rien dire. Bordeaux porte au contraire nos vins à l’international. Même Bordeaux Supérieur n’est pas parlant : il vaut mieux être simplement Bordeaux » ajoute l’œnologue de Sancerre, reconnaissant que « nous n’avons pas trop le choix, comme nous ne sommes pas une marque établie qui peut se passer de l’appellation » pour se faire une place sur les marchés.

Chais surdimensionnés

Afin de se positionner comme un domaine qualitatif travaillant plusieurs « climats » bordelais, le château s’est doté de chais impressionnants. Mise en chantier en 2021, la cave est opérationnelle depuis les vendanges 2022 : l’outil de vinification se déploie sur quatre niveaux où chaque nouvelle porte mène vers une profusion d’équipements qui semblerait calibrée pour une union coopérative autonome sur ses vins tranquilles et effervescents (qu’il s’agisse de la méthode traditionnelle ou de celle Charmat). « Le bâtiment est surdimensionné, il fait pour 100 hectares de vignes quand nous en avons 60 ha à date » indique Sébastien Jacquey, qui évoque un investissement conséquent en million d’euros, mais ne commente pas les 20 millions € évoqués par son prédécesseur (s’ajoutant aux 30 millions € de restructuration viticole à la fin 2020).

Nous ne sommes pas dans la même réalité que nos voisins

Une seule certitude : « nous ne sommes pas dans la même réalité que nos voisins. Nous avons une logique de grand cru au milieu de la misère viticole » pointe Sébastien Jacquey, évoquant « un vrai terroir calcaire qui n’a rien à envier à Saint-Émilion », et surtout les moyens donnés par le propriétaire pour le valoriser : « quand on est un technicien du vin, on se sent comme un gamin dans un magasin de jouets ». Ce qui n’empêche pas le projet du château de Sours de se focaliser sur l’essentiel viticole et ne plus se disperser sur le superflu.

Pragmatisme

Depuis son arrivée en juillet 2022, Sébastien Jacquey a poursuivi les projets lancés tout en les réorientant. Le domaine de 200 ha se recentre ainsi sur la production vin en arrêtant la multiplication de projets fermiers (comme l’élevage de cochons laineux). S’il reste encore des animaux sur la propriété (chevaux, chèvres, vaches…), la biodiversité passera par les « installations d’infrastructures agroécologiques : jachères fleuries, roseraie, vergers d’arbres fruitiers, création de lacs grâce au drainage… On forme un joli écosystème » note Alina Pavel, la cheffe de culture, qui relève également une temporalité plus pragmatique : « on va moins vite : il faut apprendre à marcher avant de courir. »

Autre réorientation pragmatique, le projet agroécologique de permaculture se tourne vers la viticulture biologique, avec un début de conversion bio ce millésime 2023. « La permaculture est une idée nouvelle qui n’est pas reconnue dans le monde viticole » rapporte Sébastien Jacquey, optant pour le label AB, tout en ouvrant la possibilité de passer à la biodynamie d’ici 3 à 4 ans quand la bio sera maîtrisée… Et que le choc du millésime 2023 aura été digéré. « Une année comme 2023 ça fait mal, ça marque les esprits, ça peut remettre en question la transition bio » reconnaît Sébastien Jacquey, qui veut en tirer les conclusions pour le renouvellement du vignoble, avec moins de merlot pour réduire la sensibilité au mildiou et diversifier les profils organoleptiques des raisins obtenus.

Diversification des plantations

« L’enjeu est l’agilité : nous devons être capable de modifier notre offre selon les tendances. Aujourd’hui, le rouge n’est pas à la mode, mais ce n’était pas le cas il y a 15 ans. Un jour on veut un degré alcool à 13,5 et on chaptalise, le lendemain on veut 12°.alc » évoque Sébastien Jacquey, pour qui la production de bulles sert de tampon selon la typicité des millésimes. Avec 70 % de raisins rouges (à 85 % du merlot) et 30 % de blancs actuellement (majoritairement du sauvignon blanc), le château de Sours veut davantage de diversité en rouge (cabernet sauvignon, petit verdot, malbec…) et en blanc (ugni blanc, colombard, alvarinho…).

« Nous avons opté pour le surgreffage de parcelles de merlot ayant une forte sensibilité au mildiou. Nous plantons des cépages plus résistants, sans être hybrides » explique Clarisse Naulet, la directrice technique. Avec des surgreffages de merlot en cabernet sauvignon cette année et la plantation d’alvarinho (cépage expérimental en AOC Bordeaux), Sébastien Jacquey veut lutter contre les vins rouges « ayant trop de la richesse et de l’alcool du merlot en apportant de la tension » et « aider à l’équilibre de la richesse du sauvignon blanc, manquant parfois de peps. Nous sommes face aux défis de la baisse de l’acidité, de l’augmentation des pH, de l’augmentation du degré alcool… » Avec 15 ha à planter sur les trois prochaines années, la propriété compte continuer à se diversifier. Et à alimenter ses gammes naissantes.

Sortir des marques de terre

Conformément au planning, le château de Sours a réalisé ses premières mises en marché de vins en 2023. L’un des objectifs de Sébastien Jacquey étant de « sortir des marques de terre ». Au sens propre, le domaine lançant la marque Quarry, carrière en anglais, qui fait références aux carrières de calcaire se trouvant sous le domaine et étant, selon l’histoire, à l’origine du coup de cœur Jack Ma pour la propriété. Sélection parcellaire du plateau calcaire du château de Sours : la marque “Quarry” se positionne sur un prix de vente à 15 €, au-dessus de l’entrée de gamme “Essence” à 10 € TTC et en dessous de la cuvée haut de gamme MS (pour Ma Sours) à 25 € (avec une étiquette reprenant une peinture de Jack Ma). « Maintenant, il faut trouver rotation commerciale pour continuer » résume Sébastien Jacquey. Si les 150 000 cols actuellement produits chaque année étaient initialement destinés à la Chine (très calme sur les vins rouges depuis 2020-2021), ils visent aussi les marchés européens (et français). « Les trois priorités de Jack Ma pour le château de Sours sont la qualité, la distribution et la rentabilité, à terme » note Sébastien Jacquey. Un retour sur investissement particulièrement ambitieux au vu de la conjoncture en Gironde.
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« On ne peut pas tout faire bien » pointe Sébastien Jacquey, réduisant le nombre d’animaux sur la propriété pour se focaliser sur la réalité viticole.

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Pas de chèque en blanc. L’équipe du château de Sours « a une grande liberté action, mais il faut toujours se justifier avant de pouvoir investir » note Sébastien Jacquey.

Lire mon article Le futur de Château de Sours, propriété de Jack Ma, c’est la permaculture – Hebdo Vin Chine de Laurence Lemaire Blog Vin Bordeaux Chine

le Vin, le Rouge, la Chine

Les 165 vignobles français achetés par les Chinois sont décrits, ainsi que les reventes. Pourquoi ces vignobles sont-ils en vente ? Pourquoi les Chinois les achetaient ils ?
255 pages et 350 photos de Laurence Lemaire, préfacées par Alain Juppé et Alain Rousset.
Version numérique en PDF pour 8€, et sa version papier sont en vente sur ce blog et sur le site www.levinlerougelachine.com

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