17 01 18 – La France est bousculée par le mouvement des Gilets jaunes. Les images de Paris en feu ont marqué les esprits autant en France qu’à l’étranger. Pour analyser cette crise sans précédent, certains médias chinois n’hésitent pas à évoquer une fièvre hexagonale, tandis que d’autres essaient de la situer dans un contexte plus global marqué par la montée des mouvements anticapitalistes
En Chine comme ailleurs, est souvent véhiculée l’image d’une France dont la manif’ est le sport national. Mais les scènes de violences en plein cœur de Paris auront beaucoup choqué dans l’Empire du milieu. Comment expliquer l’irruption d’une telle crise ?
S’il l’on convertit la hausse des taxes sur les carburants en devise chinoise, cela ne représente qu’à peu près 0,5 yuan par litre. Pas de quoi s’affoler au premier abord. Mais selon le quotidien en économie Zhongguo Jingyingbao, deux raisons peuvent justifier l’indignation des ménages modestes français.
« Les conducteurs d’automobiles diesel, qui sont dans leur majorité des travailleurs à bas revenus, ne sont pas ceux qui bénéficient le plus des subventions pour l’achat de voiture électrique, ce qui fait sans doute d’eux les perdants de la nouvelle politique fiscale. Par ailleurs, le marché des carburants est rigide et la variation des prix n’a pas beaucoup de conséquences sur le volume de consommation. Donc par rapport aux riches, les personnes moins aisées sont davantage touchées par l’augmentation des taxes », explique le journal. Une goutte d’eau qui fait déborder le vase.
Pourtant pour ce journal chinois, il n’est pas très compliqué de comprendre le choix fiscal du Président français Emmanuel Macron, depuis longtemps surnommé « le président des riches » par ses opposants. « Il réduit les impôts pour les riches dans l’objectif d’attirer de nouveaux investisseurs. Selon la théorie du ruissellement, plus les riches ont de l’argent, plus les pauvres en bénéficient. » Une politique économique souvent pratiquée aux États-Unis. Mais si le journaliste approuve cette logique macronienne, il ne partage point sa méthode. Selon lui, si la réforme s’est heurtée soudainement aux Gilets Jaunes, c’est parce que « pour réformer, il ne suffit pas d’avoir un projet. Il faut également de l’intelligence politique et une vision globale pour en maîtriser le rythme. » D’après le journal chinois, « Macron est un jeune homme trop pressé qui n’a pas su garder les pieds sur terre. »
« Le peuple français ne sacrifie jamais ses intérêts personnels pour la réforme nationale »
Le mouvement des Gilets jaunes ne peut pas se réduire à de simples agitations tumultueuses, mais peut-on pour autant le mettre sur le même plan que la Révolution française et Mai 1968 ?
Pour le site d’informations spécialisé en actualités financières Huaerjie Jianwen, la comparaison est tentante, mais la portée historique des Gilets jaunes serait moins positive. Contrairement aux deux événements historiques qui ont contribué d’une certaine façon au rayonnement français, « les Gilets jaunes finiraient probablement par semer le chaos en Europe.» Le pronostic fait par ce site ne manque pas de pessimisme : « Dans le monde d’aujourd’hui où les grands pays se livrent une concurrence féroce, la France raterait à cause de ce mouvement une occasion de se réformer. »
Pour le quotidien Guangming, les réformes menées par Macron redresseraient à long terme l’économie française, mais « en Occident, il semble que la notion de travailler ensemble pour relever des défis serait moins importante que celle de l’individualisme. » Il est extrêmement difficile de mener des réformes en France. Un constat partagé par beaucoup d’observateurs chinois. « En France les réformes sont souvent prises en otage par la protestation de la rue, car le peuple et le gouvernement n’arrivent pas à avoir une compréhension mutuelle l’un vers l’autre », explique l’Agence Xinhua. « Les leçons de l’Histoire montrent bien que le peuple français ne sacrifie jamais ses intérêts personnels pour la soi-disante réforme nationale », remarque un autre journaliste de Phoenix Television.
« Le mouvement s’inscrit dans la lutte antisystème en Occident »
Depuis la première manifestation du 17 novembre 2018, les Gilets jaunes s’exportent également dans d’autres pays européens, surtout en Belgique, aux Pays-bas et en Allemagne. La réduction des impôts, l’augmentation du pouvoir d’achat et la baisse du loyer sont au coeur de leurs revendications.
« Avant on avait surtout l’habitude de voir les Européens dans la rue pour des causes un peu générales, tel que le changement climatique, l’austérité économique et les traités commerciaux », commente un article publié sur le site d’informations Huaerjie Jianwen. Mais cette fois-ci, les Gilets jaunes de différents pays d’Europe mettent désormais en lumière leurs propres difficultés du quotidien.
Comment expliquer ce basculement ? Selon ce pure-player, cela est sans doute dû à la baisse du niveau de vie de la classe moyenne européenne et à la crainte du déclassement. « Aujourd’hui le pouvoir s’appuie sur les flux de capitaux, les crédits des banques centrales et la propriété des dettes. Les élites n’ont pas besoin de la classe moyenne pour prendre le pouvoir et pour augmenter leurs richesses. Donc politiquement la classe moyenne est totalement ignorée. »
Le mouvement des Gilets jaunes est loin d’être un ovni politique. Au contraire, « Il s’inscrit dans la lutte antisystème en Occident », juge un chroniqueur de la plateforme de rédaction Dajia de l’entreprise Tencent. Selon lui, « L’objectif de cette lutte est aussi concret qu’idéologique. Les manifestants visent le gouvernement de Macron, mais aussi à tout ce qui est incarné par ce gouvernement, c’est-à-dire les règles du jeu économique, le mode de vie capitaliste, l’élitisme et la mondialisation. »
Dans le sillage du mouvement Occupy Wall Street aux États-unis et celui 15-M en Espagne, les Gilets jaunes, alimentés par la colère et la passion, partagent avec les précédents mouvements anticapitalistes les même difficultés : le manque d’une feuille de route lucide et claire pour arriver à leurs fins : « tel un canard sans tête. » Pour ce chroniqueur, quoi qu’il advienne du mouvement, il est certain qu’il y aura en France un avant et un après Gilet jaunes.
Sources : chine-info.com et Le Petit Journal Shanghai du 10/01/2019
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