La relation Chine-Afrique : ce sont les artistes qui en parlent le mieux

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L’Angolais Binelde Hyrcan

12 03 20 – L’exposition Chine-Afrique Crossing the world color line donne la voix à dix artistes africains, asiatiques et européens, qui cherchent à comprendre la relation entre les deux continents. C’est au centre Georges Pompidou de Paris, du 4 mars au 18 mai 2020 

La relation Chine Afrique – Ce sont les artistes qui en parlent le mieux

Le lien Chine Afrique

Alicia Knock, la commissaire de l’exposition, rappelle : « avant d’être économique, le lien Chine-Afrique fut d’abord politique et idéologique, fraternel et même libérateur : deux Sud se tenant la main pour tâcher d’inventer ensemble un monde indépendant de l’Occident. » Medias et opinions publiques l’ont souvent oublié, mais en avril 1955, en plein mouvement de décolonisation, lors de la Conférence de Bandung, 29 chefs d’état asiatiques et africains s’étaient réunis sur l’île de Java pour afficher leur solidarité et former une tierce puissance, face à l’emprise des deux grands blocs Etats-Unis/URSS – soit de l’Occident. Puis la Chine s’est progressivement imposée sur le devant de la scène, et sa relation à l’Afrique fraternelle est devenue fratricide.

La Chine en Afrique

Riches en hydrocarbures, lithium, uranium, cuivre…Les sous-sols africains offrent un magnifique réservoir. Le système des package deals impliquent la construction d’infrastructures chinoises en Afrique – aéroports, ports commerciaux, voies routières… contre des matières premières. La Chine a envoyé ses ouvriers sur place, et la plupart est restée : on peut estimer à plus d’un million de Chinois vivant sur le continent africain, et à quelque 10 000 le nombre d’entreprises qu’ils y ont installées.

Pourtant à ce jour, la Chine fait preuve de la plus grande fermeté/fermeture en matière d’accueil d’immigrés africains sur son territoire ; la politique d’attribution de visas s’est encore durcie.

Traiter les sujets par l’Art

« De cette réalité, les artistes africains sont de plus en plus nombreux à se libérer dans leurs œuvres, par des imaginaires impressionnants, de nouvelles mythologies, dans une approche critique qui n’a pas fini de révéler ses potentiels », poursuit Alicia Knock. « Les artistes chinois, eux, sont beaucoup moins nombreux à traiter de tels sujets, explique Yung Ma, le co-commissaire de l’exposition né à Shanghai. En Chine, la presse n’en parle pas, donc les gens n’en savent rien. Difficile, dans ces conditions, de développer une œuvre autour de ces questions. » Sans parler de la censure : les règles n’en sont pas écrites, mais il est des choses dont on ne parle pas… »

A force d’évoquer le libre-échange, des échanges entre artistes entraînent une forme de libération ; l’Angolais Yonamine et le Thaïlandais Pratchaya Phinthong y parviennent : au Zimbabwe il y a 4 ans, ils ont placardé sur les troncs des arbres – seul espace de liberté de parole dans ce pays où la presse est aussi corrompue que le pouvoir- des centaines de petites phrases sibyllines comme It’s expensive to be poor Il coûte cher d’être pauvre. « Sans attaquer frontalement les autorités elles engendrent de la dissonance, une forme de résistance, un terrorisme poétique », explique le duo d’artistes, heureux de cette collaboration africo-asiatique fructueuse qui les aide à être « plus clairvoyants

Marie Voignier, vidéaste française, s’intéresse aux complexités de la mondialisation et à l’impact qu’elles peuvent avoir sur les destinées individuelles. Jacquie la Camerounaise livre ses pensées à la caméra de Marie Voignier : « Comment peut-on encore parler de copie et d’original ? Et qu’est-ce qu’un original, si un produit de qualité identique est produit de la même manière ? Les Chinois sont ingénieux. Grâce à eux, tout le monde a l’impression de porter quelque chose qui s’appelle Chanel.» Elle est installée dans son pied-à-terre de Guangzhou – Canton, 3ème ville commerciale de la Chine. Sans en avoir l’air, sans même le savoir, cette commerçante originaire de Yaoundé vient régulièrement acheter des sacs Chanel en Chine, qu’elle revendra ensuite en Afrique. « S’affranchit de siècles de domination occidentale, de grilles de lecture et de systèmes de valeurs décrétés, pour reprendre la main et décider elle-même de ce que valent les choses, décrypte Marie Voignier. Les mots de Jacquie, a priori ordinaires, témoignent bel et bien d’un moment historique : dans le jeu des influences internationales, une relation Chine-Afrique s’est nouée, qui laisse l’Europe dans la marge, provincialisée. Une bascule s’est opérée

Ce type de coopérations artistiques reste une exception

« Si la musique pop ou les danses traditionnelles s’échangent facilement d’une culture à l’autre, il faudra encore du temps avant que les scènes contemporaines chinoise et africaine se rencontrent et cherchent à se connaître, poursuit Yung Ma, le co-commissaire de l’exposition. D’où la nécessité d’expositions telles que celle-ci, qui esquissent des possibles. Et ce d’autant que les musées ou centres d’art de Chine ou d’Afrique ne jouent guère ce rôle, à l’exception de quelques résidences d’artistes, à caractère très diplomatique… »

Une monnaie d’échange

La Chine ces dernières années a construit d’innombrables infrastructures à caractère industriel sur tout le continent africain, et s’est lancée dans l’édification de musées dernier cri, comme le fameux Musée des Civilisations noires de Dakar ouvert en 2018, ‘’offert’’ au Sénégal par Pékin.
Dans son œuvre The cultural center, l’artiste taïwanais Musquiqui Chihying frappe des pièces de monnaie à l’effigie de ces édifices culturels qui feront la joie des touristes chinois de plus en plus nombreux à venir découvrir l’Afrique éternelle. Ces musées ne sont qu’une autre monnaie d’échange. Tout comme l’étaient ces pièces d’argent de la dynastie Ming datant du XVème siècle, et retrouvées au Kenya lors d’excavations : elles attestent d’une histoire sino-africaine commencée avant l’arrivée des Européens sur les côtes du continent noir… L’artiste taïwanais n’en doute pas : « l’argent, quelle que soit l’époque, est décidément le moteur de toutes les relations humaines

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Le musée des civilisations noires à Dakar © RFI/Isabelle Chenu

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l’artiste taïwanais Musquiqui Chihying

L’Angolais Binelde Hyrcan est né en 1983 à Luanda. Son œuvre parle de vanité, de voracité. Il montre, sous forme de fiction filmée, le satellite de télécommunications lancé par son pays l’an dernier, destiné à améliorer le réseau internet, mais qui s’est aussitôt perdu dans l’espace. Wan Hu est le nom du dignitaire chinois de la dynastie Ming qui, au XVème siècle, eut la velléité de s’envoler pour l’espace en s’asseyant sur une chaise pourvue de roquettes… qui explosa à son envol. L’artiste évoque les délires mégalomaniaques des dirigeants : « Le satellite a coûté la somme de 230 millions de dollars alors que le peuple angolais n’a ni eau, ni routes ni électricité… Au lieu de dire Il faut tuer le président, je préfère penser qu’il est une sorte d’artiste ayant comme nous ses délires… Nos dirigeants sont des artistes ! »
Le premier président de l’Angola indépendant, Agostinho Neto (1922-1979), le fut vraiment lorsque, emprisonné à Lisbonne, il écrivit le poème We shall return Nous reviendrons, ode à la beauté de son pays, sa vraie richesse. Des beautés sauvages comme l’antilope du Musée d’histoire naturelle de Luanda : l’artiste Kiluanji Kia Henda l’a utilisée pour son installation.

La Zambienne Anawana Haloba, né en 1978 à Livingstone, vit en Norvège. Elle est en train de réfléchir à un projet à Livingstone. La Zambie a une histoire très forte par rapport à la Chine. C’était l’un des premiers pays que la Chine a investi. Son œuvre parle de cette présence très précoce de la Chine en Zambie, de la construction de la ligne de chemin fer, le Tazara Express, qui relie Lusaka et Dar es-Salaam, et qui a été construite à la fin des années 1970 par les Chinois.

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2013 le Pont de l’amitié sino-malienne de Sotuba à Bamako au Mali © François-Xavier Gbré

le Vin, le Rouge, la Chine

Lire le Vin, le Rouge, la Chine : les 170 vignobles français achetés par les Chinois sont décrits, 158 châteaux bordelais, 10 châteaux en France et 2 Maisons de cognac. Pourquoi ces vignobles sont-ils en vente ? Pourquoi les Chinois les achètent-ils ? 250 pages et 350 photos de Laurence Lemaire, préfacées par Alain Juppé et Alain Rousset. Mises à jour quotidienne de la version numérique 8€, et tous les 6 mois pour la version papier 20€, en vente en librairie et sur le site www.levinlerougelachine.com

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